Décret n° 2022-395 du 18 mars 2022 relatif au document unique d’évaluation des risques professionnels et aux modalités de prise en charge des formations en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail par les opérateurs de compétences.

I – ENTREE EN VIGUEUR :

Le décret qui révise le DUERP entre en vigueur le 31 mars

II – NOUVELLES REGLES DE MISES A JOUR DU DUERP :

Pour les entreprises à partir de 11 salariés :

  • Mise à jour annuelle obligatoire,
  • Dès qu’une information intéressant l’évaluation des risques professionnels est recueillie,
  • Dans le cas de l’existence d’un CSE, le DUERP est utilisé pour établir le rapport annuel de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise. 

Pour les entreprises de moins de 11 salariés : 

  • Mise à jour obligatoire dès qu’une information intéressant l’évaluation des risques professionnels est recueillie ou lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

III – NOUVELLES MISES A JOUR DU PROGRAMME ANNUEL DE PREVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS :

A – Pour les entreprises de + de 50 salariés :

Il se nomme PAPRIPACT pour Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail et il est associé au DUERP et sa forme est libre.

Ce programme :

  1. Fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir y compris les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ; et pour chaque mesure :
    – ses conditions d’exécution,
    – des indicateurs de résultat,
    – l’estimation de son coût ;
  2. Identifie les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
  3. Comprend un calendrier de mise en œuvre

B – Pour les entreprises de – de 50 salariés : (C’est une nouvelle disposition)

Ce programme prend la forme d’une liste d’actions de prévention et de protection qui doit être consignée dans le DUERP ainsi que les mises à jour de cette liste d’action.

C – Conclusion :

Dans ces deux cas, + de 50 salariés ou – de 50 salariés, ces documents doivent être consignés et mis à jour à chaque mise à jour du DUERP « si nécessaire », c’est-à-dire si de nouvelles actions doivent être engagées.

IV – MISE A DISPOSITION DU DUERP : Article R.4121-4 CT

Ainsi, le DUERP et ses versions antérieures (voir ci-après) sont tenus pendant une durée de 40 ans à la disposition :

  • des travailleurs et des anciens travailleurs pour les versions en vigueur durant leur période d’activité dans l’entreprise et qui peuvent communiquer les éléments mis à leur disposition aux professionnels de santé en charge de leur suivi médical;.
  • Des membres de la délégation du personnel du CSE,
  • Du service de prévention et de santé au travail,
  • Des agents du système d’inspection du travail,
  • Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale,
  • Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l’article L.4643-1 CT;
  • Des inspecteur de la radio protection;

À noter que cette mise à disposition élargie du DUERP ne s’appliquerait qu’aux seules versions successives du DUERP élaborées à compter du 31 mars 2022, date d’entrée en vigueur du décret.

V – CONSERVATION DU DUERP ET DE SES MISES A JOUR :

Conservation des versions successives du DUERP sans attendre l’obligation de dépôt dématérialisé

Pour permettre une traçabilité des expositions, la loi Santé au travail impose à l’employeur de conserver le DUERP, dans ses versions successives, pendant une durée d’au moins 40 ans.

VI – PLATE FORME NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE :

À cet effet, le DUERP et ses mises à jour devront faire l’objet d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique, ceci à compter (c. trav. art. L. 4121-3-1 à venir au 31.03.2022) :

  • du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés ;
  • du 1er juillet 2024 au plus tard pour les entreprises de moins de 150 salariés (un décret doit fixer les dates d’application en fonction de l’effectif des entreprises).

Cependant, l’obligation de conserver les versions successives du DUERP s’appliquerait dès le 31 mars 2022, pour les versions élaborées à compter de cette date.

Le projet de décret précise en effet que, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’obligation de dépôt du DUERP sur le portail numérique, l’employeur devrait conserver les versions successives du DUERP élaborées à compter de la date d’entrée en vigueur du décret, sous format papier ou dématérialisé.

VII – POLYEXPOSITIONS AUX PRODUITS CHIMIQUES :

Pour l’évaluation des risques chimiques, l’employeur doit prendre en compte les effets combinés de l’exposition du salarié à plusieurs agents chimiques.

VIII – CONSULTATION DU CSE :

Par application de la Loi Santé, les résultats de l’évaluation des risques devront déboucher :

 Dans les entreprises d’au moins 50 salariés : sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui doit être défini et présenté au CSE dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale de l’entreprise (C. trav. art. L2312-27, 2°), et qui voit son contenu enrichi (C. trav. art. L4121-3-1 à venir, art. 3, 4° de la loi).

Ainsi, ce plan devra :

– fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir (comprenant les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que les conditions d’exécution, indicateurs de résultat et estimation du coût de chaque mesure),
– identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées,
– comprendre un calendrier de mise en œuvre.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés : sur la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés, comme aujourd’hui. En revanche, la liste de ces actions, qui doit être consignée dans le DUERP et ses mises à jour, devra dorénavant être présentée au CSE par l’employeur (C. trav. art. L4121-3-1, III à venir, C. trav. art. L2312-5, al. 2 nouv., art. 3, 1° de la loi).

Consultation du Comité Social et Economique (CSE) sur le DUERP et les actions de prévention.

 Dans les entreprises d’au moins 50 salariés : à compter du 31 mars 2022, l’employeur devra consulter le CSE sur le DUERP et sur ses mises à jour. Cette obligation est nouvelle puisqu’à ce jour, l’employeur n’était pas légalement tenu de consulter les élus sur le DUERP (Soc., 12 mai 2021, n° 20-17.288). En outre, l’employeur devra également, comme aujourd’hui, présenter au CSE le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail dans le cadre de la consultation sur la politique sociale.

 Dans les entreprises de moins de 50 salariés : l’employeur devra simplement présenter à la délégation du personnel du CSE la liste des actions de prévention et de protection qu’il a définie et listée dans le DUERP (art. 3, 1° de la loi, art L2315-5 al 2 nouv.).

Intervention d’autres acteurs dans l’évaluation des risques.

L’évaluation des risques ne reposera plus sur le seul employeur. En effet, d’autres acteurs apporteront désormais leur contribution dans cette mission, à savoir :
 Les I.P.R.P enregistrés auprès de la DREETS,

 Dans les entreprises d’au moins 50 salariés : le CSE et sa Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSST), s’ils existent,
 Les salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise, si l’employeur en a désigné.
 Le Service de Prévention et de Santé au Travail (SPST) auquel l’employeur adhère.

IX – FINANCEMENT DE LA FORMATION SANTE SECURITE :

Membres du CSE :

Pour renforcer la formation des élus du CSE, la loi Santé au travail a prévu d’imposer une durée minimale de formation pour tous les élus, quelle que soit la taille de l’entreprise et qu’ils soient ou non membres de la CSSCT (loi 2021-1018 du 2 août 2021, art. 39 ; c. trav. art. L. 2315-18 modifié et art. L. 2315-40 abrogé).

À partir du 31 mars 2022, chaque élu du CSE (incluant le référent harcèlement) bénéficiera d’une formation d’au moins 5 jours lors de son premier mandat.

En cas de renouvellement du mandat, la durée de la formation sera :

  • d’au moins 3 jours pour chaque élu, quelle que soit la taille de l’entreprise ;
  • d’au moins 5 jours pour les membres de la CSSCT dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Une prise en charge de la formation par les OPCO pour les entreprises de moins de 50 salariés

Cette formation est actuellement financée par l’employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise (c. trav. art. L. 2315-18).

Afin d’alléger la charge financière de la formation ainsi élargie pour les petites entreprises, la loi Santé au travail prévoit que les opérateurs de compétences (OPCO) peuvent financer la formation dans les entreprises de moins de 50 salariés, selon des modalités à préciser par décret (loi 2021-1018 du 2 août 2021, art. 39 ; c. trav. art. L. 2315-22-1 nouveau ; c. trav. art. L. 6332-1-3, I complété).

Un projet de décret, transmis aux partenaires sociaux, définit les modalités de cette prise en charge.

Les coûts afférents à la formation qui pourraient être pris en charge par les OPCO seraient :

  • les frais pédagogiques (rémunération des organismes de formation) ;
  • la rémunération et les charges sociales légales et conventionnelles des salariés en formation (dans la limite du coût horaire du SMIC par heure de formation) ;
  • les frais annexes afférents : frais de transport, de restauration et d’hébergement et, si la formation se déroule pour tout ou partie en dehors du temps de travail, frais de garde d’enfants ou de parents à charge.

Cette prise en charge s’effectuerait selon les critères et les conditions définis par le conseil d’administration de l’OPCO.

Elle pourrait s’appliquer à partir du 31 mars 2022, date d’entrée en vigueur de la loi Santé au travail.

X – MISE EN PLACE D’UN PASSEPORT PREVENTION :

A compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er octobre 2022, l’employeur renseignera dans un passeport de prévention l’ensemble des attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre de formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative.

Les organismes de formation renseigneront eux aussi le passeport dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail qu’ils dispensent.

Le salarié pourra lui aussi inscrire des éléments dans son passeport obtenus à l’issue de formations qu’il a suivies de sa propre initiative (C. trav., L4141-5 nouv., art. 6 de la loi).

Un demandeur d’emploi pourra ouvrir un passeport de prévention et y inscrire les documents obtenus dans le cadre des formations suivies dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail.

La Loi Travail prévoit que le salarié pourra autoriser l’employeur à consulter les données contenues dans son passeport pour les besoins du suivi des obligations de ce dernier en matière de formation à la santé et à la sécurité, sous réserve du respect des conditions de traitement des données à caractère personnel.

XI – UN SUIVI MEDICAL RENFORCE :

Un suivi médical renforcé pour un meilleur accompagnement des personnes vulnérables.

La loi consacre de nouvelles mesures pour « mieux accompagner certains publics, notamment vulnérables ou en situation de handicap, et lutter contre la désinsertion professionnelle » (art. 11 de la loi), notamment en assurant un suivi médical renforcé.

La création d’une visite médicale de mi-carrière.

Un nouvel article L4624-2-2 du Code du travail prévoit la création d’une visite médicale de mi-carrière professionnelle organisée pour chaque travailleur auprès du médecin du travail à une échéance déterminée par accord de branche, ou à défaut, au cours de l’année civile de leur 45e anniversaire (art. 22 de la loi).

Cette visite pourra être anticipée et organisée conjointement avec une autre visite médicale lorsque le salarié devra être examiné par le médecin du travail 2 ans avant l’échéance précitée.

Ce nouveau dispositif vise à établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, notamment au regard de l’exposition à des facteurs de risques, à évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en tenant compte du parcours professionnel, de l’âge et de l’état de santé du salarié, et à sensibiliser le salarié aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.

Cette visite auprès de la médecine du travail pourra déboucher sur des propositions de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou du temps de travail, après échanges avec l’employeur et le travailleur.

La création d’un « rendez-vous de liaison » entre l’employeur et le salarié.

En cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle ou non, excédant une durée fixée par décret, le futur article L1226-1-3 du Code du travail prévoit qu’un rendez-vous de liaison pourra être organisé entre le salarié et l’employeur durant la suspension du contrat de travail, en associant le Service de Prévention et de Santé au Travail.

Ce rendez-vous, dont l’objet est d’informer le salarié qu’il peut bénéficier des actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de pré-reprise ainsi que des mesures d’aménagement du poste et du temps de travail, pourra être organisé tant à l’initiative de l’employeur que du salarié (art. 27 de la loi).

L’employeur informera le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous. Il est par ailleurs précisé qu’aucune conséquence ne pourra être tirée du refus par le salarié de se rendre à ce rendez-vous.

L’évolution du régime de la visite de fin de carrière des salariés sous surveillance renforcée.

Prévue à l’article L4624-2-1 du Code du travail et obligatoire depuis le 1er octobre 2021, la visite médicale de fin de carrière permet de prendre en considération la situation particulière des travailleurs bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé, ou ayant bénéficié d’un tel dispositif au cours de leur carrière professionnelle.

La visite de fin de carrière, organisée avant le départ à la retraite de ces salariés, permet alors d’assurer une traçabilité et un état des lieux des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels subis par ces derniers (C. trav., L4624-2-1).

La Loi Santé prévoit que cette visite devra désormais être organisée dans « les meilleurs délais » après la cessation de l’exposition aux risques ou, le cas échéant, avant leur départ à la retraite.

Cette visite médicale ne se limitera donc plus uniquement à la fin de la carrière du salarié.

De plus, le médecin du travail constatant lors de cette visite une exposition du salarié à certains risques dangereux, notamment chimiques, aura désormais l’obligation de mettre en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin-conseil de la Sécurité Sociale, en tenant compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge de la personne concernée.

Une nouvelle définition du harcèlement sexuel alignée sur celle du Code Pénal.

La Loi Santé vient compléter l’article L1153-1 du Code du travail définissant le harcèlement sexuel pour l’harmoniser avec celle prévue par l’article 222-33 du Code pénal (art. 1, I de la loi) en y ajoutant le mot « sexiste ».

Aussi, le harcèlement sexuel tel que défini par le Code du travail modifié suite à la Loi Santé sera ainsi constitué

« par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

En outre, d’autres formes de manifestation du harcèlement sexuel existant en droit pénal seront également intégrées au Code du travail. Le harcèlement sexuel sera ainsi constitué dans les 2 hypothèses suivantes :

Lorsqu’un salarié subit des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée.Lorsqu’un salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

En revanche, à la différence du Code pénal, aucun élément intentionnel n’est exigé dans le Code du Travail pour constituer le harcèlement. En effet, les propos ou comportements doivent seulement avoir été subis par le salarié et non avoir été imposés par les auteurs.

Ces nouvelles dispositions, applicables au 31 mars 2022, impliquent alors une modification du règlement intérieur par l’employeur puisqu’il doit mentionner les dispositions du Code du travail sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes (C. trav., art. L1321-2 2°).

Cette modification du règlement intérieur par l’employeur devra donc faire l’objet d’une consultation du CSE dans les entreprises de plus de 50 salariés (C. trav. L1321-4).

Passage de la QVT à la QVTC (Qualité de Vie et des Conditions de Travail).

La notion de qualité de vie au travail, qui constitue un des thèmes des négociations périodiques obligatoires d’entreprise (C. trav., art L2242-1), est remplacée par la Loi Santé par la notion de « qualité de vie et des conditions de travail » (art. 4 de la loi).

La négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la QVT deviendra donc la négociation annuelle.

L’objectif de cette nouvelle mention est de tenir compte de la qualité des conditions de travail et de l’organisation du travail.